Sebastien Pasques – Du 18 décembre 2018 au 09 février 2019

LE JARDIN DES SUPPLIQUES

Oeuvres récentes

D’humains, plus trace. Cela faisait longtemps que ces deux gorilles magistraux avaient surgi du bois par taille directe pour, une fois coulés en bronze, prendre le dessus. Gardiens imposants d’un autre monde.

Était-on avant ou après l’extinction ?

Une pièce de 2009, en bronze, acier et bois nous ramenait aux temps préhistoriques. Les autres nous plongeaient déjà au-delà de l’anthropocène. Araignées, insectes, crânes, brindilles, produits et reproduits, sous toute patine, avaient progressivement jonché l’atelier et plongé les intrus vers plus bas encore, vers l’humus, parfois même les fonds marins. Dans si longtemps. Là où les hommes n’existent plus. Lors de la lente recomposition animale du monde.

Deux des vertus du parachute, que Sébastien Pasques pratique, sont de donner la vue en surplomb et d’expérimenter la chute vertigineuse. Faut-il en voir la cause ? L’artiste nous parlait, un jour, de ses deux filles qu’il voyait jouer parmi les déchets régurgités des grandes marées. Sans oublier ces pièces singulières, tel ce bas-relief en bronze qui dit le bonheur et la puissance inextinguible des rêves enfantins, le paradis perdu de son jardin d’enfance au Venezuela.

C’est en tous les cas une facette très nouvelle de son grand art que Sébastien Pasques nous livre aujourd’hui. Peut-être est-il encore temps d’agir ? Peut-être fallait-il nous avertir différemment ?

Oui, en ce 500è anniversaire du maître disparu il fallait oser Jérôme Bosch du « jardins des délices » ! En ce siècle de tous les possibles techniques, il fallait oser Léonardo da Vinci de « l’homme de Vitruve » ! Les pièces présentées indiquent l’état de notre monde avec une force impressionnante que seul le bronze peut rendre. Elles recréent de la dynamique : elles mettent l’homme en avant, elles représentent le combat – la méduse pour l’heure redevenue temporairement plastique, avant qu’un jour elle le dévore –, elles décomptent les blessés – ces faïences terribles où la genèse et la confiance sont pris dans les rets de la mort -, elles nous placent au centre de nos actes et face à nos contradictions.

En revenant à l’homme, à la liberté de faire et de ne pas faire, en nous intimant de nous regarder agir dans notre époque, en réduisant la focale, Sébastien Pasques met sa magnifique technique au service d’un message qu’il nous faut lire, d’une œuvre qu’il nous faut savoir regarder : aujourd’hui l’effroi, la perte, la splendeur ne font qu’un.

A nous.

Julien Cantegreil, Paris, 2 décembre 2018

  

« Jardin d’enfance »,  bronze EA I/IV 54X72X7cm 2017

  

« Le fou » médaillon en grès émaillé 75cm 2016.