Jean René Hissard – Du 18 juin au 29 septembre 2018

« FRAGONARD IS GOOD FOR YOU »

Oeuvres choisies et travaux récents Vernissage le lundi 18 juin de 19.00 à 21.30.

Clôture le vendredi 28 septembre de 19.00 à 21.00.

Exposition du 19 juin au 29 septembre2018.

 

« Fragonard is good for you » Œuvres choisies 1996 – 2018

 

« COMME UN HISSARD »

Pour justifier son refus de la légion d’honneur, Gustave Courbet déclarait : « Quand je serai mort je veux que l’on dise de moi : celui là n’a jamais appartenu à aucune école, à aucune église, à aucune institution, à aucune académie, surtout à aucun régime, si ce n’est le régime de la liberté ». Le moins que l’on puisse lui reconnaître c’est que Jean-René Hissard de par son parcours, son œuvre haute en couleur, éructive à souhait, paillarde et iconoclaste s’inscrit dans cet état d’esprit.

Activiste plasticien dès le milieu des années 60, il participe au salon de la Jeune Peinture et à la biennale de Paris, mais il leur préférera très vite un engagement sur le terreau du vivant. Adepte des ateliers populaires il tentera d’y redéfinir le rôle et la place de la culture dans des banlieues déjà livrées à elles-mêmes, en valorisant leur identité, leur mémoire et leur savoir-faire ouvrier. Ses projets et réalisations ambitieux, Belfort, Le Creusot, Mantes, Saint Denis… axés sur l’expression de nouvelles valeurs participatives, se verront au fil des mandatures dilués dans la fin des Trente Glorieuses, les querelles de chapelles et les coupes budgétaires.

Alors voilà notre Hissard au chômage, exit le développement culturel, il va reprendre les pinceaux, visiter les Anciens, Gustave, Carpeaux, Fragonard, Spranger, Clovis Trouille, les généraux allumés et géniaux de l’Art libertaire; il va leur associer cette culture populaire rencontrée dans les quartiers. Ainsi les nouveaux gardiens des rives de Cythère sont des nains de jardin, les Sabines deviennent des copines de troquet pas mal dévergondées, finies les ruines d’Hubert Robert place aux cabanons des jardins ouvriers, le déjeuner sur l’herbe s’installe à l’apéro des calanques, les canevas mécaniques, les biches-au-bois se substituent à la manufacture des Gobelins et aux scènes de genre.

Cette Culture Pop il la transcende, l’élève au rang de la grande peinture, mais pas n’importe laquelle, la truculente, l’épique, celle qui prend aux tripes, au ventre, et au cœur ; celle qui effraie le bourgeois, rebute le dogmatique conceptuel, défrise le cynique distancié. JRH annonce la deuxième vague, la plus radicale, d’une figuration déjà plus si libre que ça, dont la deuxième génération sera violemment incarnée, composée d’artistes singuliers, hérétiques, délibérément réalistes et engagés.

Sa peinture est dense, nourrie, solidement bâtie, mais elle laisse passer l’air, cher à Courbet et à Manet, en de grands courants vivifiants; les murs du Garage du Lab-Labanque de Béthune qui accueillent sa première rétrospective en 2013 en frissonnent encore. Il aime à revisiter les recettes de cuisine, ses glacis sont posés à grosse pâte gourmande, en des couches à la fois sourdes et fluides. JRH n’utilise pas de médiums séduisants, il est brutal, là il écrit dans le vif, ici il fustige Narcisse et macule des miroirs tels des icônes de l’âme. La chair plutôt que le chatoyant, la vérité plutôt que le vernis. Son traitement quelquefois fruste, savamment foutraque, évite toute gratuité, tout effet de manche, il soutient, accompagne son propos comme un uppercut à la raison.

JRH, brouille magistralement les pistes, pour mieux nous embarquer, et nous interpeler, sur le lourd comme sur le léger. Sa peinture dissonante nous entraîne des bas-fonds de la bêtise humaine aux voûtes complexes et célestes de son intelligence. Irrespectueux et cinglant, JRH peint sur le front, sous la mitraille, comme se serait plu à le dire le regretté et excellent Dominique Larrivaz qui le premier me signala son travail ; à la vue de ses grandes compositions où s’entrechoquent tous les extrêmes de nos codex sociétaux, comment ne pas penser à Géricault, père des modernes, démiurge pictural, qui sans distinction, éleva au même rang les grands et les grognards, les maîtres et les gueux, les charniers et les champs de course.

Vivre la peinture de Jean-René Hissard relève quelquefois soit d’une bonne gueule de bois, tant vertige et splendeur du mauvais goût peuvent s’y côtoyer à loisir, soit d’une bonne baise, où les sentiments se délieraient en fluides sur un Points de Vues et Images du Monde complètement déjanté. JRH s’inscrit avec force et originalité dans la lignée des perturbateurs picturaliens chroniques, tels Malcolm Morley, Peter Saul ou Alfred Courmes.

Frédéric Roulette [Paris, 2018]